La femme invisible
Je tiens à vous faire part d'une de mes récentes remarques: le port de bébé rend invisible. Je m'explique: ça ne signifie pas que l'entité maman-bébé que vous constituez est invisible (ce serait trop beau), mais que votre bébé attire toute l'attention, et tant pis pour votre ego personnel. Dans la rue, dans les transports en commun, là où d'habitude personne ne lèverait le petit doigt si vous étiez attaquée par un horrible serial-killer, les gens ont des comportement odieusement familiers avec la chair de votre chair, au mépris de toutes les bonnes règles de politesse habituelles. Et que je te fais des risettes, des gouzis-gouzis, je te chatouille le pied, la main (et je colle mes microbes au bébé, mais allez dire à ces personnes pleines de bonnes intentions d'aller se laver les mains! Et où d'abord? Dans le caniveau?). Tout ça est plutôt mignon me direz-vous, oui mais quand cela s'accompagne d'une absence totale de prise de contact avec la génitrice ("bonjour madame" me semblerait être une exigence raisonnable), c'est odieux. Par ricochets, c'est comme si on me mettait une main aux fesses et que je n'avais rien le droit de dire. Petite précision: le port de bébé rend invisible uniquement la gent féminine. Il est évident que le papa se verra, lui, gratifié de force sourires attendris.
Je pense que l'on vit ce que vivent les propriétaires de chiens (et encore à Paris, les chiens, qui ont leur idée personnelle de ce devrait être la déco des trottoirs, ne sont pas toujours bien vus). La solution, c'est de se promener avec un pitbull. Hélas, dans la catégorie bébé, ça n'existe pas encore. Quoique dans mes fantasmes les plus fous, j'adorerais que ma fille morde un bon coup la énième personne qui gagatise à son propos.
Il y a hélas des fois où l'on n'est pas invisible, et c'est bien dommage. Témoin cette scène vécue hier sous l'abri-bus. J'attendais tranquillement avec Choup le 62, quand une femme qui pourrait être ma grand-mère se met en tête de rajuster les soquettes de ma fille, qui tombent selon elle. Et que je te remets tes chaussettes en les tirant à fond. Moi, je contiens à grand peine mon agacement. Là, elle me sort une grande tirade sur ces chaussettes à élastiques, qui compriment dangereusement la circulation sanguine du Trésor (forcément banane, tu les lui as remontés jusqu'au mollet!). Ma fille, agacée par ce tripotage intempestif, donne des signes d'agitation dans son kangourou. Je me lève pour la bercer un peu, et là, j'ai droit à une nouvelle tirade sur ces parents new generation qui ont toujours leur enfant dans les bras, ça donne des mauvaises habitudes, gnagnagna...Vous savez quoi? Au lieu de lui dire son fait ("Vieille sorcière, cours plutôt t'occuper de ta vilaine moustache qui en a grand besoin!"), je suis partie à l'arrêt suivant, le moral au plus bas. En moins de cinq minutes, une parfaite inconnue avait remis en cause mes qualités de mère.
J'adore...